Le 27 mars 2009
L’honorable James Moore
Ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles
Patrimoine canadien
15 rue Eddy
Gatineau (Québec) K1A 0M5
Objet: Le Fonds des médias du Canada
Monsieur le Ministre,
Par la présente, l’Observatoire du documentaire sollicite une rencontre avec vous afin d’obtenir des précisions sur la place de la production documentaire dans le nouveau Fonds des médias du Canada (FMC) et vous faire part des inquiétudes de ses membres. L’Observatoire du documentaire est un lieu de réflexion, de rassemblement et de dialogue qui travaille à l’amélioration des conditions de création, de production et de diffusion du documentaire partout au Canada et représente l’ensemble des forces vives oeuvrant dans le domaine. L’Observatoire du documentaire veille à ce que le documentaire soit reconnu pour son rôle fondamental dans la construction de l’identité canadienne, dans toute sa diversité, dans la défense de la démocratie, de la tolérance et de l’ouverture au monde. Ce regroupement veille également à ce que le documentaire ait les moyens d’exercer ce rôle social important.
Le documentaire offre aux Canadiens et aux Canadiennes de toutes les communautés des visions enrichissantes de très grande qualité, aux heures de grande écoute. Accessible sur de nombreuses plateformes, il s’inscrit dans le mandat des télévisions généralistes publiques, des télévisions éducatives et de certaines chaînes spécialisées. Le documentaire donne des outils aux Canadiens et aux Canadiennes, afin de mieux comprendre le monde qui les entoure. De plus, la communauté canadienne du documentaire (réalisateurs, artistes, artisans, producteurs, distributeurs et diffuseurs) est une composante essentielle et importante de l’industrie audiovisuelle canadienne.
Le Fonds des médias du Canada (FMC) suscite, dans sa présentation actuelle, l’inquiétude au conseil d’administration de l’Observatoire du documentaire à plusieurs égards. Tout d’abord, nous vous demandons de reconfirmer le statut prioritaire du documentaire et des arts de la scène au sein du Fonds des médias du Canada. Le statut prioritaire est reconnu à ces deux genres depuis la fondation du Fonds canadien de télévision, afin qu’ils contribuent à la croissance et au rayonnement de l’industrie canadienne du documentaire. Le documentaire est le genre le plus important au Fonds canadien de télévision (FCT) en nombre d’heures produites: avec seulement 20 % des ressources du FCT, le documentaire compte pour 40 % des heures financées et diffusées. À l’échelle internationale, le Canada est reconnu comme un pionnier dans le domaine du documentaire et demeure un des plus importants producteurs du genre. Comme il a été présenté, non seulement le FMC retire ce statut prioritaire, mais il soumet le documentaire à une exigence supérieure particulière, en réclamant que le «promoteur démontre d’abord que le marché seul ne peut en soutenir la production».
Par ailleurs, l’Observatoire considère essentiel que la télévision publique (télévisions publiques et chaînes éducatives) dispose des moyens nécessaires pour remplir son mandat. Cela ne nous semble pas assuré, si le critère majeur pour le financement des émissions, initiées par ces diffuseurs, est celui des cotes d’écoute: les documentaires recueillent des cotes d’écoute importantes dans des créneaux spécifiques, mais ne peuvent être placés en concurrence avec des émissions destinées à un très grand public. En ce qui concerne Radio Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et la Loi sur la radiodiffusion définissent un mandat clair pour la télévision publique, qui doit fournir aux téléspectateurs une programmation riche et variée, composée d’une gamme complète d’information et d’opinions. Or la perte de la part réservée de 37 % de Radio Canada risque de précariser la télévision d’État. Le documentaire est l’une des pierres angulaires de sa programmation. Nous nous demandons comment Radio Canada, de même que les chaînes éducatives et certaines chaînes spécialisées dans le documentaire, pourront s’acquitter de leurs obligations avec des ressources réduites dans un contexte hautement compétitif. Elles risquent de devoir se tourner vers une programmation incompatible avec leur mandat. Elles devront aussi aller vers l’offre d’émissions sur le marché international, qui ne traitent pas des réalités canadiennes.
L’Observatoire du documentaire est préoccupé par le mode de gouvernance du Fonds des médias du Canada. Le nouveau conseil d’administration sera composé de deux membres nommés par Patrimoine Canada, et de cinq membres nommés par les entreprises de distribution et de radiodiffusion (EDR). Nous nous interrogeons sur la façon dont le Fonds des médias du Canada assurera une réelle indépendance des membres du conseil, nommés par les EDR et comment il assurera un fonctionnement équitable, à l’égard de l’ensemble de l’industrie audiovisuelle, y compris les diffuseurs publics.
L’Observatoire du documentaire se réjouit de l’engagement du gouvernement à soutenir financièrement la production audiovisuelle de qualité et souhaite agir comme partenaire dans l’élaboration du cadre réglementaire qui régira le nouveau Fonds des médias du Canada. En ce sens, nous sollicitons une rencontre de travail cordiale et positive avec vous.
Les membres suivants de l’Observatoire du documentaire appuient la présente lettre. L’Alliance des arts médiatiques indépendants (AAMI); L’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ); L’Association des producteurs francophones du Canada (APFC); L’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS); L’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ); Les Chaînes ASTRAL; Le Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs (CQGCR); Documentaristes du Canada (DOC); Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM); La Société Radio-Canada (SRC), Télé- Québec (TQ); Le Vidéographe. Membre associé: Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC.)
Veuillez, Monsieur le Ministre, accepter nos salutations distinguées,
— Nathalie Barton, Présidente
— Jean-Pierre Gariépy, Directeur général