Forum 2003 – Panel 2 : Documentaire au box office – modèles nationaux


[toggle title= »Christian Larouche, Christal Films – ASSOCIATION CANADIENNE DES DISTRIBUTEURS »]Une sortie en salle doit rejoindre un large public. La sortie du STEAK avec un grand battage publicitaire a donné des résultats moyens. Il importe de fidéliser le public et de lui donner une habitude de voir des documentaires. C’est un travail de fond. Avec MICROCOSMOS et LE PEUPLE MIGRATEUR, les résultats ont dépassé les prévisions, mais il s’agissait de produits particuliers qui ont bénéficié d’un climat favorable dû à la bonne presse qui avait précédé ces films.

Il importe aussi de pouvoir laisser le bouche à oreille faire son travail. Le succès ou l’échec dépend du travail qui est fait en amont de la sortie du film. La sortie d’un film en salle peut coûter entre 75 000$ et 100 000$, c’est un risque qu’il faut évaluer. La permanence et la continuité sont essentielles pour bâtir un public et créer une habitude. Il faut donc pouvoir sortir plusieurs films à la suite et des films qui ont un potentiel à peu près égal les uns par rapport aux autres.

Or tant que la télévision aura la priorité et l’exclusivité sur la sortie des documentaires le marché sera handicapé. Il serait peut-être utile qu’il y ait une concertation entre les télévisions et les distributeurs pour changer cette situation. Quant aux salles numériques, il s’agit d’une technologie en constante évolution sur laquelle on ne peut pas encore bâtir une diffusion de qualité qui corresponde aux critères des salles de cinéma traditionnelles.[/toggle]

[toggle title= »Tom Fermanian, Cinéma Pine – ASSOCIATION DES PROPRIÉTAIRES DE CINÉMA (Québec) »]Dans les années soixante, grâce à une entente entre Columbia et l’ONF, Tom Fermanian diffusait une cinquantaine de courts-métrages documentaires par année. Aujourd’hui les films sont de plus en plus longs. Ajouter des courts-métrages signifie que les exploitants perdent des séances et donc de la rentabilité. L’exploitation est soumise aujourd’hui à d’importantes exigences de rentabilité. On doit donc maximiser le nombre de séances. De plus, en raison de ces séances back-to-back, il n’y a ni l’espace ni le temps pour organiser des débats entre les séances. Mais pour lui le lancement d’un film est d’une importance capitale.

Les nouvelles technologies sont peut-être à 80%-85% de la qualité du 35mm, mais ne sont pas encore aussi performantes que le format traditionnel. Les projecteurs coûtent encore très cher, soit environ 70 000$ U.S. Il croit qu’il faudra encore 5 à 10 ans pour que la technologie numérique remplace le 35mm.

Il faut aussi tenir compte d’un phénomène important et peut-être contradictoire. Au fur et à mesure que le box-office pour le cinéma québécois augmente, il tend à baisser pour les autres cinématographies, (alors que le box-office du cinéma américain demeure constant). C’est le phénomène des vases communicants.[/toggle]

[toggle title= »Michel Gagnon – RÉSEAU PLUS »]Malgré une cinquantaine de salles affiliées au Réseau-Plus, il y a un manque, sinon une absence de lieux pour présenter des séances de cinéma documentaire en province. Avec la disparition du 16mm, il est devenu difficile de présenter du documentaire en province. Comme tous les films sont maintenant sur support vidéo les moyens manquent pour avoir des projections de qualité. Le format Betacam, malgré toutes les améliorations apportées depuis une dizaine d’années, ne donne pas encore des projections de qualité. De plus l’équipement est rare et il faut le faire circuler. C’est une technologie qui engendre des frais et une expertise pour avoir une qualité moins bonne que le 35mm, voire que le 16mm.

Le public est exigeant, il faut une qualité à l’écran et aussi une qualité des copies. En outre le passage à la télévision de certains films coupe ces réseaux de leurs spectateurs potentiels.

Un film comme À HAUTEUR D’HOMME qui malgré une sortie exclusive à l’Ex-Centris à Montréal a eu sa première nationale à la télévision où il a fait 700 000 spectateurs, a complètement brûlé le film pour une sortie en salles à travers le Québec.

Pour créer et développer un public et des habitudes de voir du documentaire en salles pourquoi, lorsqu’un film a un potentiel de sortie en salles, doit-on prioritairement le présenter à la télévision. Pourquoi la télévision exige-t-elle cette primeur? Imaginons ce qui arriverait si on appliquait à une sortie salles les budgets parfois importants appliqués à la sortie télévision.[/toggle]

[toggle title= »CINÉMA PARALLÈLE – Caroline Masse »]Le Cinéma parallèle programme entre 30 et 35 documentaires par année. 60% du box-office est pour le documentaire. La qualité d’une telle programmation est fondamentale. Il faut de toute urgence surmonter les préjugés du public face au documentaire et surtout par rapport à la qualité et à la visibilité qu’il obtient à la télévision où il est trop souvent confondu avec le reportage. Il y a une éducation à faire à ce niveau.

Par rapport au documentaire de Jean-Claude Labrecque, À HAUTEUR D’HOMME, la semaine d’exclusivité au Parallèle a généré 12 000$ au box-office. Suite à sa présentation à la télévision, celui-ci a chuté dramatiquement. Il en a été de même avec le film de Jean Lemire LA GRANDE TRAVERSÉE, qui a généré 9 000$ en exclusivité puis s’est effondré après la passe à la télévision.

Le nerf de la guerre dans ce débat, c’est qu’il faut en arriver à une plus grande concertation entre les télédiffuseurs, les distributeurs et les exploitants. Il ne faut pas oublier que lorsqu’on veut gonfler un film en 35mm pour le présenter en salles, on parle d’au moins 40 000$. Il faut donc prioritairement qu’en amont, c’est-à-dire à la conception du film, l’œuvre soit conçue comme du cinéma, pas de la télé. Il faut lui attribuer cette cote cinéma, cette reconnaissance. Ce qui signifie que dans toute entreprise de ce genre, et si l’on veut que le documentaire retrouve le chemin des salles, il y a nécessité de subventionner les expériences qui se font ou pourraient se faire en ce sens.

Le documentaire devrait être plus présent chez les distributeurs plutôt que de voir les producteurs créer leurs propres réseaux de diffusion. Ça donne un travail trop éclaté et pour lequel les producteurs n’ont pas d’expérience. Il faut faire sortir les gens, créer des événements, il y a aussi nécessité d’accompagner les œuvres si l’on veut créer des habitudes.[/toggle]

[toggle title= »CINÉMA LIBRE – Claude Forget »]Cette année 10 longs-métrages documentaires ont été lancés par Cinéma Libre. Cinéma Libre a déjà lancé dans le passé plusieurs films documentaires dont BONJOUR SHALOM et MANUFACTURING CONSENT. Toutefois, il faut aussi penser à prolonger la vie d’un film documentaire car il n’y a qu’un ou deux endroits où l’on peut programmer du documentaire à Montréal. Or c’est souvent dans la durée de vie d’un film que se créent les habitudes de fréquentation.

Forget se demande pourquoi la salle de l’ONF centre-ville ne sert pas davantage à de telles expériences et à créer cette continuité que tout le monde appelle, au lieu de vouloir créer encore d’autres réseaux.

Il propose que les contrats avec la télévision comportent une clause qui autorise la présentation d’un film en salles. Que les sorties télé de documentaires ne soient pas trop rapprochées de leur sortie en salles. Il se demande pourquoi les télévisions exigent maintenant les droits du marché éducatif.

Tant que Téléfilm Canada ne considérera pas à nouveau le documentaire comme du cinéma et non comme un produit télévisuel, nous devrons vivre avec cette contradiction. Téléfilm s’est maintenant complètement désengagé de la promotion et de la diffusion du documentaire comme œuvre cinématographique.

Il faut créer des événements autour des films documentaires. Il importe que le réalisateur soit présent, qu’il y ait rencontre avec le public. Pour le film SQUAT par exemple, Cinéma Libre a organisé des projections de rue avec le film, ce qui a eu pour effet d’assurer une visibilité à l’œuvre et a soutenu sa présentation en salles par la suite.[/toggle]

[toggle title= »Diane Poitras – RAPPORT SUR L’AUTO-DISTRIBUTION »]

On peut distinguer plusieurs sortes d’auto-distribution

a) Individuelle: Un/e cinéaste part avec son film sous le bras, va cogner aux portes des festivals et des salles. C’est souvent le cas des premières œuvres. Après un, deux, trois films en auto-distribution, les cinéastes mesurent la somme d’énergie, habituellement non rétribuée, sinon par des subventions glanées à gauche et droite et qui sont attachées non pas au cinéma mais au sujet du film.

b) Irréductibles: Ceux et celles qui persistent sur de longues années et qui souvent finissent par créer une structure.

c) Maisons de production:

• Virage (Films en vue): Au cours des années et à travers ses diverses productions, Virage a développé des contacts dans les milieux communautaires, éducatifs, institutionnels intéressés par les problématiques qu’il aborde et développe dans ses films. Ces réseaux constituent des publics «naturels» et qui ne seraient pas nécessairement rejoints par les distributeurs commerciaux.

• InformAction: Une formule hybride, avec des sujets moins spectaculaires donc plus difficiles pour un distributeur, est assumée par la maison de production. Mais si le producteur juge qu’il y a là un potentiel pour les salles, il fera 2 versions.

InformAction se sert généralement d’un festival comme rampe de lancement: promotion, visibilité, critique.

Le financement de la SODEC se fait à la pièce, c’est à dire qu’il n’est pas acquis pour tous les films; seulement dans la mesure où on peut soumettre un plan de lancement et de promotion reconnu et accepté.

• Productions du Rapide blanc: Les gens mobilisés dans le film (et autour) peuvent être intéressés à poursuivre l’expérience car ils y voient un bon outil de sensibilisation.

Cela équivaut parfois à gérer une autre business: coordination, recherche de fonds, gestion administrative (rapports, échéances de versements, etc).

• GIV (Groupe d’intervention vidéo): De plus en plus, les artistes possèdent leur propre équipement de tournage et de montage. Ils produisent avec très peu d’argent. Développement d’une sorte d’autonomie qui se prolonge presque «naturellement» dans la distribution.

Depuis environ 8 ans, le GIV a développé l’habitude d’organiser des événements récurrents avec des lieux de diffusion, tels que la Maison de la culture Mont-Royal, la Cinémathèque québécoise ou le Théâtre de Verdure du Parc Lafontaine.

• REZO: un collectif formé de 7e art (Daniel Bouchard), les producteurs Serge Gagné et Martina Adamcova. Ils ont le projet de ré-investir un réseau de lieux culturels sur le territoire québécois d’où le cinéma d’auteur a été exclu avec le temps. Il s’agit d’endroits équipés pour des spectacles de musique, ou de théâtre, donc avec une bonne qualité de son et qu’il suffit d’équiper avec des projecteurs numériques pour y projeter du cinéma d’auteur.

Le principe et l’originalité du projet est de créer une permanence dans la diffusion et donc dans l’accès au film d’auteur. Éventuellement, le même film pourrait être programmé dans plusieurs endroits en même temps. Le principe derrière la proposition est qu’en rejoignant ces petits publics à travers la province, se recrée un réseau de diffusion et un rapport différent avec le public. Huit salles sont présentement ainsi équipées au Québec. Les prochaines salles seraient situées dans les villes de Vancouver et de Moncton.

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[toggle title= »Conclusions provisoires et constats sur la situation actuelle »]

L’auto-distribution n’est pas une source de profits; elle couvre éventuellement ses frais mais encore; elle est peu soutenue financièrement par les institutions, ou alors à la pièce; elle demande énormément d’énergie, de temps et d’argent (pour la recherche de fonds et la coordination).

Pour ceux qui n’ont pas les moyens d’embaucher un coordonnateur à la distribution, c’est autant de ressources qui ne sont pas mises au service du développement de nouveaux films. Ainsi certains interlocuteurs cèderaient volontiers le travail à des distributeurs intéressés.

Tous notent qu’une diffusion accompagnée d’animation (avec le réalisateur, un personnage du film, ou une personne ressource) attire toujours plus de spectateurs que le film seul. Par contre, et selon Alex Films, sur l’ensemble des recettes pour tous les titres à l’affiche, le documentaire d’auteur représente moins de 1% des recettes, incluant les films étrangers. C’est une réalité dont il faut prendre la mesure… pas pour se décourager…mais précisément pour se situer sur un autre terrain.

À Montréal, le public est très sollicité: cinéma de fiction, théâtre, danse, spectacles, concerts, conférences… En région, il a accès à beaucoup moins d’événements, mais on nous répond souvent qu’il est moins sensible au film d’auteur et au documentaire d’auteur. La distribution en petites salles, cafés, petits groupes militants, etc, n’est pas nécessairement une solution pour tous les films et pour tous les cinéastes (parcourir le Québec en hiver dans les tempêtes pour des pinottes!) N’y a-t-il pas là par ailleurs, un danger de marginalisation pour le documentaire d’auteur? En d’autres termes, il faut maintenir la pression sur les salles commerciales.

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