Forum 2006 – Interventions

Cinéastes, pourquoi faites-vous du documentaire?

Nathalie Barton

Pourquoi je fais du documentaire alors qu’autre chose serait plus payant? Je suis venue au documentaire par un premier film sur le Sud Soudan. En tant que productrice, j’ai une grille personnelle pour analyser les projets qu’on me soumet. Je me demande toujours: Va t-on un peu changer le monde avec ce film? Je privilégie le regard et le ton, autant que le sujet, et cherche le «pas de côté»…

Fernand Dansereau

Habituellement un sujet me saisit. Parfois c’est une forme. Cela m’occupe, me hante. Je m’apercevrai presque toujours par la suite, surtout lorsque l’oeuvre de fiction ou le documentaire sera terminé que je cherchais en le poursuivant à régler quelque question de vie qui me tenaillait. Rétrospectivement il me semble qu’à peu près tout ce que j’ai fait était lié à la quête de sens. Et c’est encore ce qui m’anime aujourd’hui. Quand cette quête me relance, il me faut d’abord trouver un producteur, ce qui est loin d’être toujours évident. Car bien plus que l’accueil, il faut chercher la complicité et le courage d’oser. Avec celui-ci ou celle-là, il faudra entreprendre la ronde des institutions et des diffuseurs pour trouver le financement. Ce sera très long et quelquefois pénible. Le projet va beaucoup évoluer dans cette course. Chacun des interlocuteurs rencontrés voudra faire préciser le propos, souvent le changer plus ou moins subtilement.

Plus jeune j’ai beaucoup râlé contre cette négociation. Mais les années m’ont appris qu’elle était souvent bénéfique pour le projet. D’étape en étape, l’oeuvre mûrit, se précise, s’affine, s’approfondit.

J’ai souvent vécu le déchirement des fins de non recevoir. Beaucoup de projets ne se sont jamais réalisés tels que je les présentais. Mais à la longue, j’ai constaté qu’ils ne meurent jamais tout à fait. Ils renaissent sous une forme ou sous une autre tant que je n’ai pas réglé la question vitale qui les sous-tend. J’en suis venu à penser avec les années qu’il y a une sorte de karma qui régit les œuvres cinématographiques et télévisuelles. J’ai cru me rendre compte avec le temps que par métier je suis en dialogue permanent avec ce qu’on pourrait appeler l’inconscient collectif. C’est-à-dire que la naissance d’un projet ne dépend pas que de moi. J’appartiens à une collectivité, à un milieu. C’est de lui qu’émane en large partie mon inspiration. Bien davantage que j’aurais accepté autrefois de le reconnaître. C’est ce milieu, cette collectivité qui va permettre que ma question surgisse et rencontre les complicités nécessaires à sa floraison […]

Yanick Létourneau

J’ai toujours su que je voulais faire du cinéma. Je suis curieux, je me questionne. La vision du monde donnée par les médias me préoccupe. Je m’inquiète de ce qui n’est pas représenté. Le documentaire est un outil de témoignage, de partage, une réflexion, une quête de sens. Il doit donner une alternative, un autre regard. La relation avec les télédiffuseurs est importante pour le documentaire. La télévision apporte des possibilités de financement, mais est aussi un mode de diffusion privilégié qui permet de rejoindre un vaste public. La relation avec le télédiffuseur est l’occasion d’une discussion créative. Je vois mon métier de producteur comme un travail de collaboration créatif entre le réalisateur, le producteur et le télédiffuseur.

Et vous, diffuseurs, pourquoi diffusez-vous du documentaire d’auteur?

Jean-Pierre Laurendeau

Diffuser du documentaire est tout d’abord une obligation de licence du CRTC. Il y a un certain nombre d’heures obligatoire, mais à Canal D nous décidons d’en diffuser davantage parce que nous y croyons. Nous produisons aussi des séries documentaires pour fidéliser le public.

Jacinthe Brisebois

Pour ARTV, la diffusion de documentaires n’est pas liée à des conditions de licence. Nous privilégions le documentaire parce que ce genre apporte une variété de points de vue que nous jugeons importante.

Jean Pelletier

Il y a une longue tradition du documentaire à Radio-Canada, en particulier du documentaire d’auteur. Celui-ci est nécessaire pour faire entendre des voix qui, autrement, ne se feraient pas entendre. Deux choses sont importantes pour Radio-Canada, telles qu’énoncées par Sylvain Lafrance (Vice-président de Radio-Canada): Culture et démocratie. Le documentaire est une voie privilégiée pour traduire ces deux orientations.

Nathalie D’Souza, Chef des coproductions et des acquisitions, TV5 Québec-Canada

(Note: Madame D’Souza, absente, nous a transmis la réponse à ces questions par écrit)

De la même façon que l’éditorialiste d’un journal apporte un point de vue intéressant dans l’écriture de son article, un documentaire d’auteur peut, lorsque le sujet s’y prête, avoir beaucoup d’impact, apporter un éclairage différent et ainsi séduire le téléspectateur.

Sylvie Gaudreault, Directrice, Dramatiques et documentaires, TVA

(Note: Madame Gaudreault, absente, nous a transmis la réponse à ces questions par écrit)

Nous diffusons du documentaire d’auteur parce que nous aimons qu’un projet documentaire soit porté par un créateur qui a une vision, qui est animé d’une passion profonde pour son sujet, ce qui en fera une proposition unique.

Pour nous, documentaristes, nous privilégions le regard et le point de vue alors que, pour les diffuseurs, le sujet semble prépondérant. Est-ce vrai?

Jean-Pierre Laurendeau

Le public cible de Canal D est l’homme de 25 à 50 ans. Si le film est captivant, nous le prendrons, sans qu’il corresponde nécessairement à nos critères habituels. Il est certain qu’il faut prendre en compte le fait que le contexte de visionnement de la télé est différent de celui du cinéma. Au cinéma, le spectateur vient vers le film, alors qu’à la télé, c’est le film qui vient vers le spectateur. Celui-ci peut zapper.

Ce n’est pas n’importe quel sujet qui fait un bon film. Certains films d’analyse devraient être des livres.

Jacinthe Brisebois

Pour nous, le regard compte beaucoup, l’originalité du traitement. Un film est un risque pour tout le monde. On ne peut pas savoir pourquoi un film aura du succès ou pas. La télévision est un médium particulier et implique une autre façon de voir les choses.

Jean Pelletier

Sujet vs regard… Ce qui est intéressant, c’est la discussion qui va se créer entre les trois partenaires (réalisateur, producteur, diffuseur) et ce que ça va donner. Le documentaire sera toujours un combat. Il n’est pas en train de mourir, comme on a lu récemment dans le journal Libération. Il faut que le réalisateur et le producteur trouvent dans cette discussion une rampe de lancement. Le vrai combat est la durée. Ce combat existe partout, en chansons, en théâtre, et la télé n’est pas pire que les autres. Il faut se questionner: est-ce que le sujet mérite vraiment 1h30? Une vision dogmatique sur la durée n’a pas sa place.

Nathalie D’Souza

Il est difficile d’établir une proportion, mais le sujet a préséance sur le regard.

Sylvie Gaudreault

Je dirais que pour une antenne grand public comme la nôtre, les deux (le regard et le point de vue) nous importent. Par contre, nous portons une attention particulière à l’angle proposé, car c’est ce qui fait qu’un projet se distinguera en finalité, apportera de l’inédit et sera porteur pour l’antenne.

Il y a là une contradiction. Il nous arrive souvent de voir nos projets refusés parce que le sujet a déjà été traité. Même si nous pensons y apporter un nouveau regard ou un nouveau point de vue, on nous répond que le sujet a déjà été traité, que les personnages ne sont pas connus… Qu’en dites-vous?

Jean-Pierre Laurendeau

On peut changer d’idée… La contradiction, ça arrive à tout le monde… On a une grille d’analyse qui s’applique des fois oui, des fois non…

Jacinthe Brisebois

Les télédiffuseurs sont extrêmement sollicités. Si le sujet a déjà été traité, il est difficile de prendre un deuxième film sur le même sujet.

Jean Pelletier

C’est vrai. Radio-Canada est une grande maison d’édition, qui produit et doit en même temps accueillir les regards extérieurs. Nous nous sentons obligés, en tant que producteur, de traiter certains sujets d’actualité. Ces mêmes sujets venant de l’extérieur seront donc refusés. Nous tentons de privilégier la relève, la culture, les documentaires d’auteur. Il n’y a pas de dogme.

Louise Gendron

Il est difficile de faire des choix, considérant le peu de moyens financiers que nous avons. Quand il y en a 26 qu’on veut absolument, mais qu’on ne peut en prendre que 14, il est certain que les sujets déjà traités seront refusés. Il y a une grande effervescence de création en documentaire et pas assez de moyens financiers pour en supporter la diffusion.

Quelle est votre vision du documentaire d’auteur «idéal»?

Jean-Pierre Laurendeau

Beau, bon, pas cher…

Parfois l’audace, c’est de pas en avoir. Un bon récit, bien raconté, bien constant, raisonné, y’a rien de mieux. Par exemple, L’Erreur boréale, plutôt classique dans sa forme, a bien brassé notre société.

Jacinthe Brisebois

Chacun a sa définition de l’audace. Le documentaire d’auteur idéal n’existe pas. Il se doit d’apporter quelque chose de nouveau, donc être unique.

Jean Pelletier

Exact. Il n’y a pas de recette. Le documentaire d’auteur idéal provoque les consciences, suscite la discussion, fait avancer le médium.

Nathalie D’Souza

Le documentaire d’auteur idéal comporte un point de vue très bien documenté, bâtit une argumentation solide tout en donnant une bonne mise en contexte du sujet pour que le téléspectateur puisse apprécier la position du documentariste.

Sylvie Gaudreault

Un sujet accrocheur, rassembleur, qui répond à un réel besoin pour nos téléspectateurs et un angle proposé par un documentariste, qui est mûri, original, accessible, et qui fera réfléchir, apprendre, divertir le public.

Les cinéastes vivent des difficultés à faire du documentaire. C’est la même chose pour les diffuseurs. Quelles sont pour vous les difficultés?

Nathalie Barton

Il est difficile pour les petites boîtes de production d’avoir les moyens de développer des projets. Ensuite, il n’est pas facile de trouver l’équilibre entre la nécessité de trouver une pertinence nationale québécoise à nos sujets, tout en intéressant le marché international.

Fernand Dansereau

La première difficulté est de savoir ce que je veux vraiment, et ensuite de trouver de l’argent pour développer des projets.

Yanick Létourneau

Une grosse difficulté est le manque de dialogue avec les diffuseurs, le manque de feed-back quant aux raisons des refus.

Louise Gendron

Oui, il faudrait plus de dialogue, mais nous recevons 500 projets documentaires par année. Beaucoup reçoivent un non c’est certain! On en développe seulement 2%! C’est le problème d’une effervescence extraordinaire en création, face à des investissements de l’État dans la culture très diminués.

Tiens, lançons un débat: Pourquoi toujours associer documentaire et télévision? Pourquoi ne pas changer ce qui est? Pourquoi ne pas se demander comment faire des documentaires ailleurs qu’à la télé, autrement qu’avec leur support financier? Si 92% des documentaires sont faits avec la télé, le 8% qui reste, pourquoi ne pas y réfléchir? Une fois l’an on se réunit pour parler de nos difficultés documentaires-télés… Pourquoi ne pas se poser une autre question?

Lucette Lupien, Observatoire du documentaire

C’est justement pour trouver une solution à ce problème que la SODEC a mis en place son programme de financement pour les longs métrages documentaires destinés au salle en 2003. Nous nous sommes battus pour que Téléfilm fasse la même chose; le programme pilote a existé un an en 2005. On espère bien qu’il deviendra permanent en 2007.

Jean-Pierre Laurendeau

On reçoit 10 projets par semaine, ce qui égale 500 par année, un petit peu moins dans le temps des fêtes… Mais il ne faut pas se décourager, moi je dis toujours que chaque non te rapproche d’un oui!

Jacinthe Brisebois

Effectivement, on a peu de temps pour discuter avec ceux qu’on refuse.

Jean Pelletier

Un système de fiche plus simple a été conçu et mis à la disposition des producteurs pour faciliter la présentation des projets.

Un des problèmes du documentaire est qu’il en lutte avec les cotes d’écoute. Quelle télé peut se permettre d’en diffuser aux heures de grande écoute, vu les cotes d’écoute du documentaire? À moins qu’on le compare aux autres émissions de sa catégorie.

La notion d’auteur est aussi difficile à cerner, Radio-Canada reçoit 450 propositions par année et une grande partie tiennent plus du reportage que du film d’auteur. Au sens strict du terme, le film d’auteur est très intéressant, mais très rare, plus rare qu’on pense.

Nathalie D’Souza

Ce qui est le plus difficile, à l’occasion, c’est un manque d’ouverture à collaborer ou à discuter avec le diffuseur aux différentes étapes de production (scénario, montage, etc.).

Sylvie Gaudreault

Ce qui est le plus difficile, c’est toujours de refuser un projet… Par contre, ce qu’on apprécie et qui compte beaucoup pour nous, c’est quand les «proposeurs» ont pensé à un projet en fonction de la personnalité de l’antenne. C’est beaucoup plus constructif et pour ceux qui proposent, et pour nous.

Intervention de la salle (personne non identifiée)

J’ai travaillé longtemps en distribution pour des documentaires. Ce que je constate en ce moment me fait craindre pour la disparition du genre. Autrefois, il n’y avait que des jeunes et maintenant les 3/4 ont plus de 40 ans. Et les jeunes ne savent pas comment intégrer le milieu.

Jean-Pierre Laurendeau

À Canal D, on donne la chance à des jeunes.

Nathalie Barton

Informaction produit environ 3 documentaires de jeunes par année.

Yanick Létourneau

Je pense que c’est un problème de représentation dans les médias en général. Il faudrait une évolution vers des sujets qui intéressent davantage les jeunes.
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[toggle title=”La forme (deuxième discussion)”]

Carmen Garcia

Il est certain que les cinéastes aimeraient travailler plus librement, sans contraintes de forme. Comment convaincre que nos films auront du succès? La forme n’est pas garante du succès. Certains films très conventionnels ont du succès. Il faut des personnages attachants, un point de vue intéressant, la pertinence du propos, la magie, mais le succès est beaucoup tributaire de la mise en marché. Le vrai problème est un problème de diffusion.

Luc Harvey

Pour moi la télé est un partenaire. Je fais des séries documentaires à la télé et non pas du documentaire unique. Il faut avoir du respect face aux télédiffuseurs. Comme disait plus tôt Fernand Dansereau, un film n’est pas l’œuvre d’une seule personne, mais une œuvre collective. En outre nous avons aussi une responsabilité qui est celle de plaire à un large public. Il est important par ailleurs que la télé s’engage envers le documentaire, car la télé a tendance à être faite de modes.

Hélène Choquette

Il faut faire la différence entre documentaire, docu-soap, télé-réalité. Attention à la mise en scène, qui n’a pas sa place en documentaire, attention que le documentaire ne devienne pas que du divertissement, que les sujets ne deviennent pas des prétextes à mettre du monde en scène. Le documentaire doit d’abord apporter un propos.

Jean-Pierre Laurendeau

À Canal D on fait des séries qui innovent, avec des reconstitutions, par exemple. On peut innover de différentes manières, par exemple en offrant un espace à des gens qui n’en ont pas. Il y a des sujets dont on n’entend jamais parler, les handicapés, les communautés culturelles. Ça peut être de l’innovation aussi que de présenter un film conventionnel au niveau de la forme, avec un sujet qu’on comprend… Pour changer le monde, faut que le monde nous écoute!

Louise Gendron

L’audace, c’est souvent le métissage des genres. On ne peut pas fixer les choses. C’est comme ça qu’on renouvelle le genre. Il n’y a pas qu’une façon de faire les choses. En ce moment, il y a effectivement une confusion des genres, mais c’est le reflet de notre société. La multiplicité et le choc des façons est nécessaire pour en arriver à refléter de multiples vérités.

Jacinthe Brisebois

Il faut élargir, garder une ouverture sur la forme, ne pas catégoriser. Oui, c’est sûr qu’il faut faire attention de ne pas tomber dans la télé-réalité, mais il est important de ne pas figer la forme en mettant des interdits.

Jean Pelletier

Le documentaire, c’est de la création. D’accord, on ne doit pas mettre d’interdits, mais on doit quand même avoir des exigences, parce que le documentaire est un témoin de la vérité. Un témoin de la vérité, oui, mais… on peut présenter la réalité de manière à rendre un sujet palpitant.

Interventions de la salle

Manon Barbeau

La forme est l’écriture personnelle du cinéaste. Il devrait y avoir autant de cinémas que de cinéastes. Lorsque la forme sert le propos, c’est là qu’on obtient des œuvres personnelles et fortes.

François-Xavier Tremblay

La forme est souvent une valeur ajoutée. Il y a plusieurs définitions du documentaire d’auteur. On a chacun notre perception de la réalité, qui est bien relative…

Hubert Gendron

Pourquoi séparer forme et contenu? Le propos d’un film entraîne sa forme. Lorsque forme et contenu sont bien intégrés, on ne voit plus la forme.

Patricio Henriquez

Par moments, la forme est dissociable du contenu, mais ultimement, c’est le médium qui conditionne la forme. Il faut formater nos films selon les interruptions publicitaires, commencer le film par un punch pour empêcher le spectateur de zapper, etc.

Philippe Baylaucq

Il faut plaider pour la signature. C’est le réalisateur qui doit assumer cette signature, même si les télédiffuseurs ont leur mot à dire. Comme disait un jour Carlos Ferrand: Si un film est bon c’est grâce au réalisateur, mais si le film est mauvais, c’est aussi à cause du réalisateur.

André Picard, animateur

Il y a une confusion des genres dans la perception des spectateurs. On ne sait plus ce qui est documentaire, docu-fiction, docu-soap, télé-réalité. Il faudrait faire de l’éducation aux médias dans les écoles.
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[toggle title=”L’environnement (troisième discussion)”]

Patricio Henriquez

Comme je viens de la télé et du documentaire à la fois, la frontière qu’on tente d’établir entre le cinéma d’auteur et la télé ne me plaît pas. Évitons les règles, car il y a danger qu’elles deviennent des dogmes. La télé-réalité, cependant, n’est pas un apport d’innovation et il n’y a pas de doutes que Star Académie ne mérite pas d’être financé par les enveloppes dédiées au cinéma d’auteur.

Le documentaire, par nature, a besoin de l’élément temps. Le journalisme est de l’information rapide, le documentaire demande du temps pour l’analyse.

On s’attend à voir plus de documentaires à la télévision publique, à tort ou à raison. On aurait besoin d’un créneau clairement identifié documentaire. Cela semble absolument nécessaire pour les cinéastes.

On ne peut pas demander à la télévision de nier sa nature. Les documentaristes doivent s’y plier. Presque tout le financement est conditionné par la télévision. Il faut trouver des solutions pour d’autres financement. C’est notre combat, et la télé ne le fera pas à notre place.

Martine Asselin

Il y a plein de films innovateurs, artisanaux ou underground qui ont besoin d’une place. Le court-métrage documentaire, par exemple, n’a pas beaucoup de possibilité de diffusion.

Pour augmenter les cotes d’écoute du documentaire, ne pourrait-on pas faire davantage d’autopromotion?

Lyne Denault

L’autopromotion est réglementée. Elle concerne le contenu canadien et doit être d’une minute par heure alors qu’on présente 12 minutes de publicité à l’heure selon les règles du CRTC.

Nous sommes des télévisions commerciales. Il faut penser aux spectateurs. On vend un créneau, une communauté d’intérêt. Notre mandat n’est pas de faire du documentaire, mais on choisit d’en faire. Canal Vie s’intéresse à Kino. En restant du côté des femmes, qui est le public cible de Canal Vie, il y a place à l’interprétation.

Jean-Pierre Laurendeau

Canal D veut du divertissement et cible les hommes de la génération 25-50 ans, tout en ayant, en réalité, un public composé à moitié de femmes. Le phénomène des Kino est effectivement intéressant, mais le problème avec les petites productions, c’est que ça prend absolument l’assurance «Erreurs et omissions», que nous exigeons dans tous les cas, et qu’ils n’ont pas les moyens de se payer.

Jacinthe Brisebois

Nous faisons de la place aux jeunes créateurs, toutefois il est difficile d’intégrer des documentaires d’auteur à durée variable, Kino ou autres courts-métrages non formatés. Cela demande beaucoup de travail. On essaie de créer des émissions à facture reconnaissable par le public, afin de le fidéliser et d’y intégrer ces productions éclectiques, par exemple l’émission Mange ta ville.

Jean Pelletier

Plusieurs pensent: Tiens ce projet-là est parfait pour Radio-Canada! Ne présentez pas des projets faits «pour» Radio-Canada. Provoquez. Présentez ce que vous pensez que Radio-Canada devrait aborder.

À Radio-Canada, on croit à l’importance de présenter le documentaire aux heures de grande écoute, mais il y a aussi d’autres priorités. Plusieurs décisions ont été prises, comme de consacrer la case de Zone libre, le vendredi à 21 h à du documentaire. On voudrait maintenant créer un accompagnement au documentaire, avec un animateur spécifique pour l’encadrer, mais on n’en est pas encore là, ce sera la prochaine étape. Le mot documentaire est extraordinairement rébarbatif pour le public. Le problème de la case horaire est finalement secondaire.

C’est seulement cette année que nous avons commencé à faire de la promotion croisée, entre la radio, la télévision et internet à Radio-Canada. Nous aurons bientôt un site Internet consacré au documentaire, pour décortiquer certains sujets abordés dans une émission.
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[toggle title=”Mot de la fin”]

André Picard, animateur

Le documentaire devra composer avec un environnement transformé par les multiples plateformes de diffusion des nouvelles technologies, entre Internet et la baladodiffusion. Cela implique une cascade de produits dérivés dont on espère que la conception sera confiée au créateur, et non pas au département de marketing de la boite de distribution. On pourrait en arriver à prévoir dès le début du projet ces éléments de mise en marché comme partie intégrante du projet…

Je remercie tous les panélistes, documentaristes, producteurs et télédiffuseurs de la pertinence et de la qualité de leurs interventions et je souhaite que ces débats éclairés contribueront à améliorer la place du documentaire à la télévision.

Rapport rédigé par Geneviève Quessy
Décembre 2006
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