Le documentaire et les plateformes numériques, portrait d’un écosystème en pleine mutation

Le lien vers une cinquantaine de documentaires créés pour les plateformes numériques, une vingtaine de plateformes dédiées à la distribution du documentaire, des références pour la formation: cette étude est un outil concret de réflexion et d’inspiration pour la profession.

Nous avons cherché à capter une image en mouvement des modes de création, de production et de diffusion du documentaire dans l’environnement actuel des plateformes numériques. Cet instantané, dans un univers en évolution rapide, permet de dégager des pistes de réflexion pour l’avenir qui incitent à la fois à l’enthousiasme et à la vigilance.

Les plateformes numériques offrent des opportunités pour le documentaire, tant pour la création de contenus originaux qui leur sont spécifiquement dédiés, que pour la production et la distribution de documentaires linéaires.
Pour les documentaristes, elles questionnent l’ensemble du processus de création tel qu’on le connaissait jusqu’ici. Cet élargissement du champ documentaire pose le défi de penser différemment le rapport au réel, à l’œuvre et au public. L’exploration du transmedia n’en est qu’à ses débuts; elle recèle un potentiel créatif stimulant, riche en possibilités qui suscite l’intérêt grandissant des réalisateurs.

Cependant, cette forme de création peine à trouver sa reconnaissance. Considérant la place toujours prépondérante des télédiffuseurs dans ce nouvel écosystème, les financeurs tant publics que privés perpétuent des modèles économiques basés sur les schémas traditionnels de production qui ne tiennent pas compte de cette réalité.

La création documentaire sur les nouvelles plateformes devrait pouvoir se développer avec les moyens financiers nécessaires, sans pour autant grever les budgets alloués aux documentaires linéaires destinés aux salles et à la télévision qui doivent continuer à exister pleinement. Il est important de trouver de nouvelles avenues de financement. Une piste pour l’élargissement des ressources pourrait être la mise à contribution des fournisseurs d’accès Internet.

Concernant les fonds destinés aux productions multiplateformes qui sont actuellement dédiés à la création expérimentale et à l’innovation, il serait souhaitable de réserver une part de ces enveloppes à la création documentaire sur les nouvelles plateformes afin d’encourager son développement. L’octroi de fonds spécifiques pourrait permettre à ces œuvres d’exister indépendamment ou en complément de la production de documentaires linéaires destinés à la télévision.

Les nouvelles plateformes peuvent aussi être un levier efficace pour la diffusion des œuvres. Le documentaire ne doit pas craindre le multiplateforme: le temps passé devant les écrans, quels qu’ils soient, s’additionne. Le téléspectateur n’est pas une espèce en voie de disparition, le nombre d’heures qu’il passe à regarder la télévision augmente chaque année tout comme son intérêt pour le documentaire. Les plateformes de distribution en ligne et les portails des télédiffuseurs sont des outils multiplicateurs d’auditoire. Ils amplifient le rayonnement des documentaires. Mais aujourd’hui, cette nouvelle forme de distribution ne génère pas automatiquement de retombées économiques significatives. Pour la plupart, les plateformes de diffusion de documentaires sur Internet sont peu rentables, et de nouveaux modèles de gestion des droits sont à trouver, afin qu’elles participent à la notoriété des œuvres, mais qu’elles soient aussi une source réelle de revenus pour les créateurs et les producteurs.