Mémoire soumis au CRTC sur le Fonds Canadien de Télévision

Audiences publiques du CRTC sur le fonds canadien de télévision


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Présentation des représentants de l’observatoire du documentaire

  • Nathalie Barton: productrice; Présidente d’InforAction Films Inc.
  • Jean-Pierre Gariépy, cinéaste, Directeur général de l’Observatoire du documentaire.

1. L’observatoire du documentaire

L’Observatoire du documentaire, fondé en 2003 sous l’égide des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), regroupe les principales associations audiovisuelles professionnelles du Québec et du Canada. Il est un lieu de réflexion, de rassemblement et de dialogue afin d’assurer au documentaire sa place essentielle dans le monde audio-visuel. L’Observatoire du documentaire veille à ce que le documentaire assume pleinement son rôle fondamental dans la défense de la démocratie, de la tolérance et de l’ouverture au monde.

L’Observatoire du documentaire favorise la prise de parole et le débat public, suscités par les œuvres d’auteurs qui traitent des enjeux, des rêves et des valeurs de la société. Il travaille à l’amélioration des conditions de création, de production et de diffusion du documentaire.

Le documentaire que nous soutenons inclut tous les genres: nature, animalier, culturel, historique, sociopolitique, archives, docu-feuilleton et reconstitution dramatique. Et tous les formats: documentaires uniques de court, moyen et long métrage, collections, courtes et longues séries. Cinq de nos membres sont présents, ici, cette semaine afin de présenter leur propre mémoire sur le Fonds Canadien de Télévision. Nous n’empiéterons donc pas sur les aspects précis qu’ils désirent aborder. Nous réitérerons plutôt les principes que nous soutenons.

2. Principe du soutien de l’État

L’observatoire du documentaire défend le principe du soutien gouvernemental à la culture. Ce soutien du gouvernement canadien à la culture est historiquement une des forces de ce pays, d’un océan à l’autre et un de ses plus grands pôles de rayonnement à travers le monde.

Le Fonds Canadien de Télévision constitue une forme hautement démocratique et fructueuse de ce soutien des citoyens canadiens envers des genres télévisuels sous représentés, soit les émissions Jeunesse, les dramatiques, les variété et art de la scène et le documentaire. La législation sur les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) qui a mis sur pied le Fonds Canadien de télévision en 1996 a donné lieu à une diversification sans précédent de l’industrie canadienne de production dans ces genres télévisuels.

Pour ce qui est du documentaire, la société canadienne a profité d’un déploiement unique. Partout au pays, des artisans, auteurs, réalisateurs et réalisatrices, producteurs et diffuseurs ont contribué à une forte augmentation d’œuvres variées de grande qualité, présentées au grand public aux heures de grande écoute. L’essor de l’industrie audio-visuelle canadienne en documentaire donne de multiples retombées.

Aujourd’hui, la très grande majorité des documentaires réalisés au Canada, sont le fruit du travail de cinéastes canadiens et de maisons de production canadiennes. Tous ces artisans et partenaires ont le souci premier de rejoindre un vaste public, ici et à travers le monde. Cela est rendu possible par la collaboration des télédiffuseurs canadiens, généralistes, publics, privés, éducatifs ou spécialisés. Tous travaillent dans le même sens: permettre aux Canadiens et aux Canadiennes d’accéder à un des plus vastes répertoires au monde d’œuvres audiovisuelles variées, dans les genres soutenus par le Fonds Canadien de Télévision.

De 1999 à 2004, la moyenne annuelle d’heures d’écoute de documentaires canadiens sur les chaînes canadiennes a presque doublé. Les documentaires ayant obtenu les plus fortes cotes d’écoute ont attiré un auditoire moyen par minute de plus d’un million de téléspectateurs, ce qui est comparable à l’auditoire des dramatiques canadiennes les plus populaires. Parmi les genres produits avec l’aide du Fonds Canadien de Télévision, le documentaire est l’un de ceux qui attirent le plus de téléspectateurs canadiens vers la programmation canadienne.

Nous croyons donc au soutien de l’État à la culture. Par ses politiques, l’État canadien développe une industrie de production indépendante. Cette industrie génère des oeuvres canadiennes pour le public canadien. Dans cette perspective, le Fonds Canadien de Télévision est l’outil indispensable pour la création et la production de ces œuvres, dans les genres jeunesses, variétés, dramatiques et documentaires. Nous réaffirmons donc sans équivoque notre appui au Fons Canadien de Télévision dans l’esprit où il a été créé.

3. Un fonds mixte

Nous nous opposons fortement à la recommandation du Groupe de travail, que soit créé, avec les contributions des entreprises de distribution et de radiodiffusion (EDR), un fonds dédié uniquement au privé. Sur le plan légal, le Fonds Canadien de Télévision est doté de sources financières mixtes, provenant du ministère du Patrimoine canadien (MPC) et des entreprises de distribution et de radiodiffusion (EDR). Ces fonds, régis par des lois et des règlements gouvernementaux et publics, font historiquement l’objet d’un très large consensus au Canada. Cet objectif collectif est de mettre légalement à contribution les individus et les entreprises, pour produire des œuvres originales canadiennes destinées au public canadien dans son ensemble. Le Fonds Canadien de Télévision illustre parfaitement cette tradition démocratique. Ce Fonds a consolidé une industrie de production audiovisuelle vigoureuse et croissante.

Nous appuyons le point de vue exprimé par plusieurs autres intervenants, dont les membres de l’Observatoire du documentaire, à savoir que les contributions des entreprises de distribution et de radiodiffusion (EDR), quelles qu’elles soient, sont des sommes publiques qui n’ont aucunement à être utilisées pour l’opération d’un fonds privé. Nous sommes donc fermement pour le maintien de l’obligation pour toutes les EDR de contribuer au financement des genres prioritaires soutenus par le Fonds canadien de Télévision dans le cadre d’un fonds unique.

Un fonds distinct, opéré selon une logique commerciale, entre autres sur la base de cotes d’écoute, trahirait la vocation initiale du FCT dont nous venons de parler, et mettrait en cause le développement de notre culture audiovisuelle. En ce qui concerne l’évaluation des succès, toute la chaîne de production canadienne en télévision et en nouveau média a à cœur le succès public, par conviction autant que par nécessité. Les succès publics et commerciaux sont variables sur le plan régional, linguistique et démographique. Ils reflètent la diversité de ce pays. Toute tentative d’évaluation de succès doit donc tenir compte de ce large mandat du Fonds Canadien de Télévision. Ce mandat inclut autant des mesures de rentabilité que le développement culturel et éducatif.

Le FCT applique déjà des dispositions qui tiennent compte des mesures d’auditoire, entre autres, pour déterminer le montant de l’enveloppe dont dispose chaque EDR. Dans le marché francophone nous estimons que cette mesure produit des distorsions qui pénalisent le documentaire à l’antenne des chaînes éducatives et spécialisées, qui n’ont pas les mêmes cotes d’écoutes que les généralistes.

La distribution des fonds doit donc se faire de manière équitable entre les télédiffuseurs en fonction de leur mandat propre et respectif. Les télévisions éducatives sont essentielles à l’avenir du documentaire. Elles n’ont pas le même mandat ni les mêmes moyens que les télévisions généralistes, publiques ou privées. Par conséquent, la seule logique commerciale ne peut s’appliquer pour déterminer les allocations. Nous sommes d’avis qu’un système d’attribution objectif et pondéré doit primé. Un système aux règles claires et transparentes qui favorise toutes les formes de production et de diffusion au Canada.

4. Le Conseil d’administration du Fonds Canadien de Télévision: un reflet de l’industrie

La solution mise de l’avant, par le groupe de travail, pour une nouvelle composition du CA du FCT ne fait pas l’unanimité. La polarité créée par le rapport entre bénéficiaires et contributeurs ne peut qu’envenimer le débat. Le conseil d’administration doit refléter le mandat clair et consensuel du Fonds Canadien de Télévision. Il doit être le reflet de toutes les entreprises publiques et privées qui desservent les téléspectateurs.

Toute forme de représentation au sein du FCT qui favoriserait un type de produit ou un type de résultat particulier risque de créer une iniquité de redistribution des fonds alloués. Tous les joueurs de l’industrie doivent être représentés.

5. Évolution technologique

Ce soutien constant de l’État est en constante évolution, comme l’est la culture et comme le sont les technologies qui la créent et la diffusent. Il existe une tradition au Canada d’intégrer les nouvelles technologies, depuis les toutes premières ondes radio jusqu’aux toutes dernières transmissions numériques, dans le processus démocratique et dans le partage des valeurs canadiennes. Au Canada, les grandes phases historiques d’évolution technologique ont toujours été accompagnées d’une volonté d’encadrement législatif, représentative des valeurs démocratiques de ce pays. Les nouvelles plateformes n’échappent pas à cette tradition. Elles ont de plus en plus d’influence sur le paysage audiovisuel canadien. Il s’agit d’une évolution technologique qui s’additionne aux autres. Le documentaire est un genre qui évolue parfaitement sur les nouvelles plateformes. Il s’y prête avec souplesse en création, en production, en diffusion et en distribution.

Les nouvelles plateformes doivent donc faire l’objet d’une analyse en profondeur afin que l’on puisse légiférer de manière équitable et prospère pour l’ensemble de la population et de l’industrie et concevoir un financement distinct et adéquat pour ce domaine de la production.

6. En conclusion

On dit souvent que le visionnement d’un documentaire peut changer une vie. Ces regards posés sur la réalité par les créateurs de documentaires ont une incidence sur la vie de nos concitoyens. Ils ont une influence sur nos perceptions. Tous et toutes, ici, avons vécu de tels impacts après avoir vu un documentaire, à un moment donné de notre vie.

À l’Observatoire du documentaire, nous considérons que le Fonds Canadien de Télévision permet la conception, la production et la distribution d’œuvres et de contenus essentiels à l’héritage culturel et à l’imaginaire collectif de toute une nation. L’importance du financement qu’il octroie à l’industrie audiovisuelle et particulièrement documentaire, donne à la société canadienne une vision unique, à travers tout le pays et par tous les types de diffusion. Toute modification du Fonds Canadien de Télévision doit tenir compte de cette très grande valeur de diversité culturelle et du dynamisme qu’il insuffle à l’industrie audiovisuelle canadienne.

Le Fonds Canadien de Télévision est aussi pertinent maintenant qu’au moment de sa création. Les preuves de son immense succès auprès de l’industrie de production indépendante canadienne sont tangibles. Le rayonnement international de la production canadienne est en constante progression. La contribution des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR), comme celle du gouvernement canadien, sont plus utiles à la culture canadienne que jamais, menacée comme elle l’est par la mondialisation des ondes.

Quelques chiffres.

(Les chiffres contenus dans ce mémoire sont fournis par l’organisation Documentaristes du Canada, membres de l’Observatoire du documentaire.) En 2005-2006, la production documentaire canadienne destinée à la télévision a atteint 424 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 150 % depuis 1996-1997 et surpasse la production globale pour la télévision, qui a cru de 42 % au cours de la même période.

Sur le marché de langue anglaise, le budget des séries documentaires est passé de 198 000 $ l’heure en 2004-2005 à 269 000 $ l’heure en 2005-2006, un record pour cette période de neuf ans.

Les télédiffuseurs canadiens ont majoré leurs investissements dans les productions documentaires, tant sur le plan des sommes versées que du pourcentage du budget total. Sur le marché de langue anglaise, les droits de diffusion versés par les télédiffuseurs sont passés de 52 millions de dollars (29 % du financement total) en 2000 2001 à 90 millions de dollars (37 % du financement total) en 2005-2006. Sur le marché de langue française, les droits de diffusion versés par les télédiffuseurs sont passés de 18 millions de dollars (31 % du financement total) en 2000 — 2001 à 38 millions de dollars (37 % financement total) en 2005-2006.