Forum 2005 – Résumé des interventions


Katherine Dodds2

C’est le travail de promotion pour Manufacturing Consent et les idées de Noam Chomsky qui lui ont fait prendre conscience que, pour avoir un impact avec cette volonté de changer la société, il faut être présent dans les médias, occuper les espaces qui contribuent au mouvement des idées, comprendre comment les idées circulent et comment les documentaires s’inscrivent dans cette mouvance. Pour The Corporation, sa première préoccupation a donc été de bâtir un auditoire pour le film, avant même que celui-ci ne soit financé. À partir du moment où le film est entré en production, elle a commencé à construire le réseau accumulant informations, données, contacts, etc. Une fois la production amorcée et les contacts établis avec les distributeurs, il ne restait alors que cinq semaines pour organiser la campagne de promotion du film. N’eût été de ce réseautage préalable, il aurait été impossible d’assurer une promotion adéquate pour le film. En outre il s’agissait d’un travail qui n’aurait jamais pu être soutenu financièrement par les institutions en raison d’une absence flagrante de programmes disponibles.

La capacité de réseautage du réalisateur était également importante de même que sa capacité à travailler avec des diffuseurs et des multiplicateurs. C’est ce qui a permis de constituer une base de données et de référence pour d’autres films, et ce, dans un processus soutenu d’alimentation de la base de données créée pour le film. Les documentaires ont une longue vie; il faut donc faire un travail en profondeur pour assurer leur diffusion, mettre en commun les ressources prévues pour leur promotion dans les divers marchés. Cette façon de faire est efficace car le site devient alors LA référence unique pour le film et il permet de nourrir la base de données qui s’y rattache. Il en résulte une plus-value majeure en termes de retombées promotionnelles qui peut se chiffrer en millions de dollars. Comme il est constamment alimenté, le site permet une interactivité sur le plan du développement des auditoires pour d’autres films. On estime que la création d’un tel site coûte entre 5000$ et 20 000$.

Howard Krosnick3

Il existe, en marge de la marge, tout un monde de production et de diffusion de films et de vidéos qui échappe à toute catégorisation et d’où on peut tirer des leçons inestimables. C’est un univers qui n’a pas, comme premier critère, l’exigence d’un succès sur le plan commercial. Dans ce réseau, les cinéastes ou les auteurs ne considèrent pas leurs activités comme un tremplin pour faire des films dans les circuits traditionnels de l’industrie que ce soit en fiction ou en documentaire. Ils trouvent d’autres moyens de subsistance: ils enseignent, pratiquent leur art, reçoivent des bourses du CDA, écrivent, etc. L’innovation est ici un facteur déterminant, soit par le sujet, le traitement ou le regard; on est ici dans le domaine de la création pure. La majorité de ces oeuvres ne peuvent jamais espérer aboutir à la télévision. Toutefois, certaines des stratégies employées peuvent nous être utiles ou, du moins, améliorer les conditions en place et servir à d’autres secteurs. Dans ce circuit, les auteurs gardent un contrôle absolu sur l’aspect créatif de leur travail. Ils détiennent tous les droits sur leur matériel original (négatifs ou “masters”).

Il s’agit donc d’une structure dont la finalité est de soutenir et de supporter financièrement les artistes. Loin du réseau traditionnel des salles de cinéma, et de la télévision généraliste ou spécialisée (bien que certains documentaires ou films expérimentaux peuvent y aboutir), il y a un réseau actif au niveau institutionnel (festivals, bibliothèques, cinémathèques, galeries d’art, musées, enseignement) où les oeuvres sont acquises par des conservateurs, des professionnels, des collectionneurs ou des individus. Dans ce réseau, plus de 65% des revenus de la distribution sont réacheminés vers les artistes, contrairement à ce qui se produit dans le circuit commercial où, dans le meilleur des cas, on parle de 50%. Ce réseau offre en plus des retombées économiques importantes pour ceux qui oeuvrent à son fonctionnement. En 2002 et 2003, les dix principaux distributeurs soutenus par le Conseil des arts du Canada4 ont dépensé la somme totale de 1 233 858$ en salaires et avantages sociaux pour 55 personnes dont 73% sont employés à plein temps.

Le marché télévisuel

L’explosion de nouveaux canaux spécialisés et, plus récemment, des canaux numériques aurait dû fournir de meilleures occasions de programmation pour ces films. D’abord motivés par l’exigence d’acquérir des centaines d’heures de documents audiovisuels pendant la première année, la plupart des nouveaux canaux sont maintenant plus préoccupés par le besoin d’attirer des auditoires, ce qui signifie qu’ils prennent moins de risques et font place à moins de courts métrages et de documentaires uniques.

Distribution non commerciale

Deux gros distributeurs canadiens détiennent la principale part de ce marché. L’un est privé, Magic Lantern, l’autre est sans but lucratif, l’ONF. Les deux offrent des catalogues importants à des prix qui se situent au bas de l’échelle et possèdent des ressources humaines et des budgets de promotion importants pour ce faire.

Paul Lapointe

Il y a absence de logique et de continuité dans le monde du documentaire. Production, diffusion, mise en marché, festivals, distribution communautaire et institutionnelle et rayonnement international ne semblent pas être des démarches interreliées. Quand il y a un effort de continuité, il est axé exclusivement sur la télévision ou la sortie en salle. Après rien! C’est comme si la finalité du documentaire était d’aboutir à la télévision pour faire de la cote d’écoute et rejoindre son auditoire en une seule fois. Comment peut-on encore accepter la mort annoncée d’un film après tout l’argent qu’on y a investi puisqu’on ne soutient pas la vie du film après la télé? C’est comme si on produisait des films orphelins. Or, le documentaire est fait pour faire avancer le débat public et l’exercice démocratique. Il devrait donc y avoir une vie après la télé! Il y a encore des éléments essentiels qui ne sont toujours pas pris en compte dans le financement du film et qui sont des outils qui devraient accompagner tout le processus de production, et en déterminer la stratégie, un peu dans le sens préconisé par Katherine Dodds. Ces étapes devraient être reconnues par les institutions comme une partie intégrante du financement.

Joanne Leduc

Pour l’ONF, le marché institutionnel est très important et compte pour 53% de ses revenus. Ceux-ci se partagent entre les ventes aux institutions, aux consommateurs, les ventes d’archives et à la télévision. Mais ce marché est fragmenté en plusieurs petites niches toujours tributaires d’un processus rigoureux de mise en marché et de suivi. Douze pour cent de ces revenus sont générés par les achats des consommateurs en ligne, surtout dans le cas de films comme Bacon, le film qui a eu une diffusion télé fort suivie. Au niveau de la distribution après-télé ou après-salle, l’ONF est très actif dans les réseaux éducatifs et institutionnels. L’ONF consacre environ sept millions de dollars par an pour la distribution et la mise en marché, dans les marchés canadiens et étrangers, les copies d’archivage et le service à la clientèle.

Pascale Ferland

The Corporation est un peu un cas d’espèce dont on peut tirer des leçons, mais il y a aussi les films de création qui forment une large part de l’activité au Québec. Toutefois les fonds attribués à la production ne tiennent pas compte de cette continuité. La chute de Cinéma Libre est quelque peu attribuable à ce manque. Les enveloppes à la performance pour la distribution ont souvent servi à lancer d’autres films, au lieu d’être investies dans la continuité et le soutien d’une structure et d’outils dans cette perspective, comme ce que fait l’ONF par exemple. Leur suppression a été catastrophique pour le cinéma indépendant.

Denis Langlois

Devant cette situation et à la suite de la faillite de Cinéma Libre en novembre 2004, un groupe de cinéastes vient de créer Les Films du 3 mars5. Il s’agit d’un groupe de travail qui a voulu prendre le pouls et voir quels étaient les besoins du milieu en distribution et en diffusion du cinéma indépendant. Après une série de rencontres, il a été décidé de fonder un organisme à but non lucratif et on a défini les missions de celui-ci. Un comité de travail a été formé pour travailler sur les objectifs sociaux, les principes directeurs, les orientations, les statuts et règlements de l’organisme. Lors d’une rencontre subséquente avec les différents intervenants du milieu, les investisseurs, les conseils des arts et les autres distributeurs indépendants, il a été conclu qu’un créneau spécifique devait être comblé et que la venue d’un nouveau joueur en distribution était la bienvenue. Cet OSBL (organisme sans but lucratif) aura donc comme mission principale la distribution, la diffusion et la promotion du cinéma indépendant et d’auteur de tous genres (fiction, documentaire ou expérimental) et de toutes durées (court, moyen et long métrages), principalement québécois, puis canadien et international, dont la démarche est d’abord cinématographique, quel que soit le support de tournage ou de diffusion.

Nicole Hubert

Il faut des fonds pour bâtir chaque réseau propre au film que l’on fait. Le démarchage nécessaire n’est pas financé. Le succès d’un film et sa vie après la salle ou la télé sont tributaires de ce réseau qui se construit au gré de la réaction du public au film. Par exemple l’accompagnement du film est essentiel. À partir de fonds pour une sortie commerciale ou à la télé, il faut financer la présence du réalisateur ou de la réalisatrice et parfois de certains protagonistes du film qui peuvent assurer le débat et la rencontre avec le public.

Philippe Baylaucq

Par exemple, lorsqu’ils font la promotion de leurs films les cinéastes doivent se déplacer et/ou être disponibles souvent sur un bon nombre de jours. Ces journées ne sont jamais prises en compte dans les budgets des films, non plus que les frais de déplacement que cela comporte. Il en va de même si le film est invité dans un festival à l’étranger, il faut alors retourner auprès des institutions pour financer un voyage ce qui entraîne là aussi des frais qui ne sont jamais couverts.

Joëlle Levie

À la SODEC, le programme de soutien au documentaire en salle existe depuis deux ans. Il ne s’agit pas d’une enveloppe distincte, mais les argents proviennent du documentaire pour la télé, et on ne prévoit pas d’augmentation à court terme de cette enveloppe. Il en résulte que 30% du budget alloué aux projets de documentaires ont été affectés à ces projets. À ce jour, un seul film est sorti en salle, soit Les voleurs d’enfance. La difficulté provient du fait que les projets acceptés dans ce programme ne peuvent compter sur le fonds télé. Côté exploitation, c’est encore plus difficile à mesurer puisqu’un seul film est sorti et que c’est un film qui a ses caractéristiques propres: il n’a rien à voir avec les autres films déjà financés.

Projets de longs métrages documentaires destinés aux salles soutenus par la SODEC

  • Bric-à-brac de Serge Giguère
  • USA de Pierre Guimond
  • L’esprit des lieux de Catherine Martin
  • Termites: la tour infernale de Philippe Calderon (co-pro avec la France)
  • Le dernier continent de Jean Lemire
  • Des nouvelles du Nord de Benoit Pilon
  • Voleurs d’enfance de Paul Arcand

La SODEC a également mis sur pied d’autres fonds d’aide6, pour le gonflage ou pour l’aide aux salles en région et aux salles de répertoire, tout comme un fonds d’aide à la promotion en cours de tournage qui peut être affecté à des sites Internet ou à de la promotion en ligne. Il existe aussi des programmes pour équiper les salles en numérique.

La rencontre avec le public est fondamentale. Il faut faire sortir les gens. Aller au cinéma en salle est un geste social qui crée des liens collectifs. Aujourd’hui, les films en salle doivent être projetés en 35mm, mais les tournages se font de plus en plus en numérique. Malheureusement il n’y a qu’une dizaine de salles équipées pour les recevoir.

À propos du réseau numérique

Parce qu’on doit, depuis deux ou trois ans, tenir compte des normes techniques qui doivent être approuvées par les exploitants de salles, et qu’il faut qu’il y ait une plus-value, cette implantation s’avère extrêmement complexe. L’achat d’un équipement numérique coûte très cher, soit entre 50 000$ et 150 000$. Si l’on établit un réseau numérique, il faut des contenus! Actuellement, il n’y a pas tant de films qui sont en numérique. Cet équipement doit être rentabilisé, et on ne pourra pas y arriver avec un film documentaire de temps en temps. Il faut donc avoir accès à d’autres contenus. En ce moment, au Québec, il n’y a pas assez de films pour alimenter un réseau numérique. Il faut donc se poser plusieurs questions: Qu’est-ce qui définit un long-métrage destiné aux salles? Quel est le rôle du distributeur dans le lancement d’un long-métrage documentaire? Y a-t-il des sujets plus spécifiques? Que veut dire une sortie en salle? Que veut dire un engagement significatif d’un distributeur? Où se situe la télévision? Qu’est-ce que coûte la mise en marché d’un long-métrage documentaire destiné aux salles?

Il va donc falloir du financement mais ce ne sera pas seulement la SODEC qui pourra le fournir.

Dès le début de 2006, et tenant compte des programmes en cours, la SODEC veut organiser une table de réflexion sur le long métrage documentaire où on examinera à fond tout ce qu’on a abordé aujourd’hui.

Michel Pradier

À Téléfilm Canada, un programme-pilote a été mis en place pour soutenir le long métrage en salle. Une demande a été faite à Patrimoine canadien pour la poursuite de ce programme.

Ce programme stipule qu’une sortie en salle devrait se faire sur trois écrans au minimum. L’étalon ne sera pas Les voleurs d’enfance. Toutefois, il faut ici faire un parallèle avec ce qui s’est passé en fiction avec Les Boys, il y a deux ou trois ans. Il faut quand même des locomotives qui puissent donner l’envie au public d’aller voir ces films-là et aux propriétaires de salles le goût de prendre le risque, lorsque les films sont accompagnés d’une promotion adéquate.

Or, en documentaire, c’est surtout du côté anglophone que ce genre de sortie est assuré. Actuellement, on trouve des minimums garantis qui peuvent aller jusqu’à 350 000$, pour des projets documentaires de grande et de moyenne envergure qui sont examinés. On envisage pour ces films d’importantes campagnes de promotion. Ces distributeurs prennent un risque, car ils doivent convaincre les propriétaires de salles de les accompagner.

Sur le plan de la distribution, il existe à Téléfilm Canada un fonds alternatif pour les outils de promotion ainsi qu’un fonds pour le gonflage en 35mm, et pour le tirage de copies pour la distribution en régions.

Projets de longs métrages documentaires destinés aux salles soutenus par Téléfilm Canada

En développement:

  • La dernière planète, Sylvie Van Brabant, production Films du Rapide-blanc
  • Les Oiseaux et l’amour, Jacques Laberge, production Cité-Amérique

En production:

  • Le dernier continent, Jean Lemire, Coproduction Glacialis (Canada), 13 Productions (France)
  • Voyage au bout de la torture, Patricio Henriquez, Production Macumba Doc
  • USA, Pierre Guimond, Production Isle Principia (USA)

En post-production et achèvement:

  • Bric à brac, Serge Giguère, Production Films du Rapide-blanc
  • Les Voleurs d’enfance, Paul Arcand, production Cinémaginaire

Benoit Pilon

Dans le cas de Roger Toupin, épicier variété, mon idée originale était de faire un long métrage destiné aux salles, mais la seule façon de déclencher ce projet était d’avoir l’aval d’une télévision. Aussi cette façon de faire a eu beaucoup d’impact par la suite dans nos négociations avec les télés afin que nous puissions sortir le film en salles avant qu’il ne soit présenté à la télé. Nous étions dans l’obligation de faire une version télé qui porte le même titre, en réduisant la durée du film presque de moitié. Ce n’est donc pas parce qu’il y a des programmes intéressants que ces questions vont être résolues automatiquement. Il est regrettable, par exemple, que l’exigence de sortir dans trois salles commerciales exclut des salles comme le Cinéma Parallèle, alors que le travail accompli là est exemplaire.

Pourquoi, par exemple, Radio-Canada n’a-t-il pas une case horaire spécifique pour le long métrage documentaire? Il est clair qu’aucune institution ne peut supporter seule le financement nécessaire à ce type de film. Aujourd’hui, avec l’obligation d’une sortie à la télé en version courte, comme ce fut le cas pour Roger Toupin, on a l’impression de mentir aux gens étant donné que nous avions conçu ce film comme un long métrage. C’est peut-être pour cette raison que les gens ont voulu voir la version longue en salle. Il y a donc la nécessité d’harmoniser les programmes des diverses institutions et, surtout, de reconnaître TOUTE la chaîne que cela implique, tant au niveau de la production comme telle, que de la promotion avant, pendant et après les sorties en salles ou à la télé.

En faisant cet état des lieux, il faut aussi se demander si, avec le documentaire, on ne sera pas amené à suivre la poussée à la performance qu’on trouve du côté de la fiction. À terme, est-ce que les programmes en place ne finiront pas par favoriser surtout les documentaires à sujets-chocs?

Jeannine Gagné

Bien qu’il soit important de privilégier le cinéma au grand écran, il faut néanmoins préserver un soutien aux documentaires, peu importe leur durée, ou leurs sources de financement. Il faut croire à la création et à l’originalité dans ce genre de cinéma, tout comme on le fait pour la fiction. Contrairement à la fiction, le documentaire n’a pas les ingrédients que l’on peut vendre à un distributeur soit un scénario et des vedettes. Dans plusieurs documentaires, ce qu’on cherche à défendre c’est une démarche et l’intérêt du sujet. Il y a donc là un travail beaucoup plus difficile à accomplir pour démontrer le potentiel commercial d’un projet. Pour convaincre les réseaux de distribution ou les salles de soutenir une campagne de promotion à la hauteur des oeuvres, il faut absolument avoir une aide qui soit en harmonie avec des films plus difficiles. Il faut leur garantir un soutien à long terme car la vie des documentaires dépasse leur simple sortie en salle ou même à la télévision.

Louis Dussault

Avec l’exigence d’un minimum garanti élevé, on impose un type de film qui ne peut être à la hauteur d’un film de fiction. Les conditions imposées ont alors tendance à modifier le produit; c’est la liberté de la démarche qui est alors compromise. Par la suite l’exclusivité télé ne devrait pas empêcher la sortie DVD. La sortie en DVD rejoint d’autres publics que celui en salle ou à la télé. Le DVD complète le cycle de mise en marché essentiel au travail des distributeurs à long terme.

Johanne St-Arnauld

L’ONF produit, coproduit et achète environ une dizaine de films documentaire par année. Approximativement 50% d’entre eux sont des coproductions. En 2005, le film Ce qu’il reste de nous a connu un grand succès public tenant l’affiche pendant 41 semaines au cinéma Beaubien, à l’Ex-Centris et à Québec. Ce type de distribution fait toujours partie d’ententes spécifiques avec des distributeurs qui travaillent en salle. On remarque que la performance des documentaires est meilleure au Canada anglais qu’au Québec. Le programme mis sur pied en collaboration avec le Documentary Channel fonctionne très bien. Toutefois, l’ONF est toujours à la recherche d’un diffuseur francophone pour ces documentaires. Avis aux intéressés!

Sylvie Groulx

Elle parle de son expérience à Cinéma Libre pendant plus de sept ans dans les années 1970-1980. Elle a l’impression d’entendre les mêmes doléances qu’il y a vingt-cinq ans! En 1978, il y avait quatre boîtes de distribution préoccupées par le cinéma indépendant ou non commercial. Aucune de ces boîtes n’existe aujourd’hui; elles ont toutes fait faillite. Il y a donc une certaine incohérence qui semble perdurer. Si l’on opte pour le fonds documentaire en salle, on n’a pas de télédiffuseur. Or celui-ci est toujours essentiel au financement des films. Même si on reconnaît l’utilité et la nécessité de diffuser les films en salles, (les récents succès de plusieurs films le prouvent), on constate néanmoins qu’il y a une grande incohérence dans le processus. En effet, après la télé, après la salle, quelle est la vie d’un documentaire??? Plusieurs films font la preuve que la vie d’un documentaire commence APRÈS ces sorties. Les documentaires peuvent avoir une vie publique de dix, quinze, voire vingt ans. Comment se fait-il qu’on mette autant d’argent pour la production et le lancement d’un film, alors que ces films sont faits pour un marché plus culturel ou social, là où il y a tout un public qui veut les voir? Il n’y a que l’ONF qui a les moyens de fonctionner sur le long terme. La production indépendante est de plus en plus orpheline.

On ne devrait pas accorder une aide au seul lancement de chaque film; il faut aussi soutenir des entreprises qui ont à coeur la vie de ces films, qui y croient, mais n’ont pas de moyens pour assurer cette continuité. Il y a un manque de personnel avec des salaires décents, ce qui force les boîtes à survivre avec des programmes d’emploi, qui finissent par s’épuiser ou disparaître quand les politiques changent. Comment peut-on investir tant d’argent dans le documentaire sans s’assurer que ces films rejoignent leur public dans le temps et l’espace et ce, au-delà de la sortie commerciale ou télévisuelle?

Lucille Veilleux

Il y a tout un travail de terrain qui semble évacué ou sous-financé, alors qu’il peut déterminer la VIE d’un film après la télé ou la salle. Il faut adapter le mode de diffusion au sujet du film, bâtir les réseaux et assurer la rentabilité À LONG TERME du film. Le modèle commercial qui régit actuellement toute la diffusion du documentaire n’est pas une panacée. Il faut inventer. Les outils sont là pour assurer cette longue vie. Le Réseau Plus7, par exemple, offre des possibilités sous-exploitées en ce moment.

Sylvie Van Brabant

La sortie en salle, c’est le déclencheur. L’énergie et le temps qui sont monopolisés pour toucher tous les leviers qui assurent la diffusion d’une oeuvre semblent retomber une fois l’effort accompli. Le film est ensuite laissé à lui-même ou carrément mis sur une tablette.

Lucette Lupien

Elle rappelle que l’Observatoire est intervenu sur plusieurs plateformes afin d’obtenir la création d’un programme d’aide au long métrage documentaire pour les salles, à Téléfilm Canada; l’objectif étant de permettre la création de documentaires libres du formatage et des priorités des télédiffuseurs. Si ce programme ainsi que celui de la SODEC exigent quand même la présence d’un télédiffuseur dans la structure financière et que cela assure au télédiffuseur un droit décisionnel sur le film, l’Observatoire n’aura pas atteint son objectif.

Ne pourrait-on pas avoir une vision holistique de cette problématique et intervenir à tous les niveaux nécessaires???

Note d’André Pâquet, secrétaire d’assemblée

L’envergure du marché anglo-saxon et le type de sujets qui y sont traités représentent un contexte privilégié sur lequel on ne peut compter systématiquement ici au Québec. On travaille ici beaucoup plus avec des PROTOTYPES qui diffèrent dans l’approche, le sujet, le traitement, etc. Il faut tabler sur la variété des modèles de production et de distribution après la sortie en salle ou à la télé. Il y a un manque de soutien généralisé à la distribution et, quand il y a les ressources, il semble que celles-ci soient dispersées, fragmentées.

Il est important de noter ici que chacun des intervenants institutionnels affirme que son organisme est allé aussi loin qu’il le pouvait sur le plan financier dans cette nouvelle approche. Il semble donc essentiel et urgent de travailler à élargir les bases publiques du documentaire, chercher à occuper du terrain là où c’est possible. Cette démarche pourra peut-être faire pression sur les télés pour qu’elles changent leurs grilles de programmation, leurs critères d’admissibilité et le type de production documentaire qu’elles financent. La présence soutenue de documentaires en salles ou à la télé ne pourra que favoriser son développement et avoir l’impact souhaité dans la communauté. La responsabilité de tous les intervenants est fondamentale.

Notes

2. Sites de référence: http://www.hellocoolworld.com/ et http://www.thecorporation.com/

3. Distribution de films et vidéos réalisés par des artistes; Howard Krosnick; 2004. Conseil des arts du Canada

4. Dix distributeurs reçoivent une aide annuelle du Conseil des Arts du Canada variant entre 40 000$ et 121 000$:

  • À Montréal: Groupe d’Intervention Vidéo, Cinéma Libre (fermé), Vidéographe
  • À Québec: Vidéo Femmes
  • À Toronto: Canadian Filmmaker Distribution Centre (CFMDC), VTape
  • À Winnipeg: Video Pool, Winnipeg Film Group
  • À Vancouver: Moving Images, Video Out

5. http://www.f3m.ca/

6. SODEC

7. Cinéma Parallèles