Consultations du Fonds canadien de télévision sur le Fonds des médias du Canada

Présentation de l’Observatoire du documentaire

4 septembre 2009

Introduction

L’Observatoire du documentaire remercie le Fonds canadien de télévision de cette invitation à soumettre un mémoire, et à siéger lors des consultations sectorielles, dans le cadre de la consultation sur le Fonds des médias du Canada. L’industrie documentaire canadienne grandit et évolue sans cesse. Cette occasion de revoir le soutien de l’État à la production télévisuelle est cruciale, compte tenu des grands changements et des grands potentiels qui se présentent.

Les expériences passées démontrent que le gouvernement canadien s’est toujours soucié d’encadrer et de soutenir financièrement la production cinématographique et télévisuelle canadienne. En fait foi cet extrait d’un communiqué datant de 1983:

«— la prolifération des nouveaux services de programmation offre une possibilité pour les producteurs d’émissions canadiennes, mais pour tirer avantage de cette possibilité, ils doivent avoir les ressources nécessaires pour produire des émissions canadiennes attrayantes de haute qualité et de calibre international.» Canada/Ministère des Communications, «Vers une nouvelle politique nationale de radiodiffusion», 1983.

L’Observatoire du documentaire a l’intention de participer de manières constructives, tout au long des processus de consultations, afin que le genre documentaire puisse continuer d’offrir de riches et multiples visions de la réalité aux canadiens et aux canadiennes.

Importance culturelle du documentaire

Aujourd’hui, à un tournant majeur de la réglementation, avec la création du Fonds des médias du Canada, il demeure fondamental de garantir une variété et une qualité d’émissions canadiennes de haut calibre. L’Observatoire du documentaire considère que le documentaire est primordial dans l’offre audiovisuelle proposée aux citoyens, que ce soit sous la forme de documentaire d’auteur ou d’opinion, de documentaire factuel, de série documentaire, de moyen ou de long métrage. Le genre documentaire a une fonction vitale dans le paysage audiovisuel canadien. Ce genre a fondé l’industrie cinématographique canadienne et contribue de plus en plus à son rayonnement national et international. Le documentaire change la vie des gens, par la réflexion, le soutien et les outils qu’il offre aux téléspectateurs.

Il offre aux Canadiens et aux Canadiennes de toutes les communautés des visions enrichissantes de très grande qualité, aux heures de grande écoute. Il s’inscrit dans le mandat des télévisions généralistes publiques, de même que dans celui des télévisions éducatives et spécialisées.

Au sein du Fonds canadien de télévision, le documentaire est un genre prioritaire, au même titre que les émissions dramatiques, variétés et arts de la scène et émissions pour jeunes publics. Ce statut relève de la politique du CRTC, qui prescrit, par la loi, une programmation canadienne documentaire de qualité aux heures de grandes écoutes. Stimulée par l’appui du FCT l’industrie documentaire canadienne a prouvé au fil des ans sa capacité à rejoindre les auditoires canadiens de manière directe, vivante et constructive et à contribuer au débat démocratique et au développement du savoir à travers le pays.

Il est donc vital pour le public canadien et pour l’industrie de la production documentaire que toutes les nouvelles mesures mises en place par le FMC permettent de préserver et de bonifier les conditions actuelles de production et de diffusion.

L’Observatoire répond ci-dessous à certains des enjeux soulevés par le Fonds canadien de télévision, dans le cadre de la consultation actuelle. Les membres associatifs de l’Observatoire du documentaire se prononceront aussi, par leurs propres mémoires, sur les enjeux qui les concernent spécifiquement.

1. Production documentaire

L’Observatoire du documentaire est d’avis que le statut prioritaire du genre documentaire doit absolument être maintenu par le Fonds des médias du Canada (FMC). La définition existante du documentaire devrait être interprétée plus strictement afin d’exclure du financement les émissions de type mode de vie, téléréalité ou promotionnel. Ces types d’émissions ne répondent pas aux critères actuels des genres «sous représentés» et bénéficient d’un appui du marché qui permet leur production sans recours au FMC. Les définitions et les exclusions formulées dans les Principes directeurs actuels du FCT devraient demeurer inchangées. La priorité accordée aux documentaires d’auteur ou d’opinion, aux longs métrages documentaires, aux documentaires factuels et aux séries documentaires, actuellement admissibles, devrait être intégralement maintenue.

2. Allocations selon le genre

L’Observatoire du documentaire estime que le FMC doit continuer à allouer son budget de programmes en fonction des genres et doit absolument maintenir le financement du documentaire à un niveau correspondant au moins à la moyenne des allocations dépensées pour le documentaire au cours des six dernières années, soit, pour le documentaire de langue anglaise, 18% des allocations totales du FMC et 22.4 % pour le documentaire de langue française. Afin de continuer à assurer un financement adéquat des quatre genres prioritaires, le FMC se doit d’allouer ses fonds selon les genres: si la répartition des fonds était décidée par le marché ou par les diffuseurs selon des priorités dictées par les cotes d’écoute en chiffres absolus, plusieurs diffuseurs seraient tentés de réallouer les fonds prévus pour la production documentaire qui ne répond pas toujours, comme nous le notons plus bas, à ces critères de cotes d’écoute en chiffre absolu. Au cours des dernières années, l’appui du FCT a permis le développement d’un volume important de production documentaire, soit environ 40 % des heures de programmation financées par le FCT. Déjà fragilisée par les exigences du genre documentaire, par les difficultés que traversent plusieurs diffuseurs et par la complexité des montages financiers internationaux, la production audiovisuelle ne pourrait se maintenir et encore moins se développer, advenant la perte d’un niveau constant et adéquat de financement par le FMC.

3. Succès auprès de l’auditoire

Le succès est au cœur de toute la démarche de la communauté et de l’industrie documentaire canadienne. Toutes les œuvres audiovisuelles documentaires, de toutes les communautés, de tous les formats, sur toutes les plateformes, visent l’accès au plus grand nombre de spectateurs possible et à la plus grande pertinence possible.

Les émissions documentaires rejoignent leur public sur des plateformes plus diversifiées que la plupart des autres productions: un documentaire unique sera le plus souvent diffusé d’abord dans une première fenêtre en heure de grande écoute, puis bénéficiera d’une série de diffusions supplémentaires, — soit par des deuxièmes et troisièmes fenêtres, parfois dans les deux langues, — soit par les rediffusions multiples des chaînes spécialisées. La tendance actuelle est également à la présentation d’un grand nombre de documentaires produits pour la télévision, dans les salles de cinéma — ce qui attire un public de cinéphiles moins intéressé par la télévision. En outre, ce documentaire sera souvent distribué dans un circuit non commercial et institutionnel; n’oublions pas que de nombreux documentaires produits pour la télévision se retrouvent dans les salles de classe du pays, du secondaire à l’université. Enfin, certains documentaires ont une distribution intéressante à l’international. Il est donc primordial que la formule retenue par le FMC tienne compte des caractéristiques spécifiques du documentaire et évite de pénaliser la production documentaire par un recours à des mesures de cote d’écoute en chiffres absolus (sans distinction et pondération entre différents genres).

Or, une fois énoncé ce principe de base, il reste que la mesure de ce succès pose de nouveaux défis. Comment mesurer, de manière équitable, le succès d’une œuvre, sans la pénaliser par des comparaisons inadéquates? Comment évaluer l’impact d’une œuvre documentaire sur une communauté donnée? L’Histoire nous montre, après coup, les retombées cruciales et durables que certains films documentaires ont sur la société canadienne.

En ce sens, le débat sur les cotes d’écoute est plus pertinent que jamais. La multiplicité des formes de production et de diffusion et la fragmentation des auditoires forcent à une évaluation enrichie et équilibrée du succès des œuvres. Le Fonds des médias du Canada a maintenant une occasion unique d’innovation et de développement d’expertise, en matière d’estimation des succès. Pour le documentaire, la mesure du rendement, en fonction de la nature du réseau, est devenue fondamentale. Les réseaux sont multiples. Vocations publiques, privées, éducatives, spécialisées, régionales, etc. Tous ces réseaux diffusent du documentaire, de tous les genres. Les succès sont variés et adaptés aux vocations de chacun de ces réseaux. Ils doivent être évalués dans le même sens.

Lors du forum interactif du Fonds canadien de télévision, le 6 août 2009, une des questions soumises aux consultations par le FCT portait sur la mesure du succès auprès de l’auditoire et du rendement sur investissement (nouveau critère d’admissibilité au Fonds des médias du Canada.) Ce succès et ce rendement sur investissement doivent absolument tenir compte des retombées et rayonnements nationaux et internationaux des documentaires canadiens, à moyen et long terme, sur le plan social et culturel.

4. Volet expérimental

La déclinaison sur deux plateformes peut poser un problème pour certains documentaires uniques, la conception sur le web étant difficile à réaliser pour des raisons de contenu et de budget. La conception, la réalisation et la mise en place de sites web autonomes et complémentaires sont très exigeantes pour les séries documentaires: cela nous apparaît souvent contraignant pour les documentaires uniques. Ceux-ci ont jusqu’ici peu souvent eu accès aux fonds existants pour le travail de promotion ou de production en nouveaux médias: les diffuseurs privilégient généralement à cet égard les séries documentaires, qui offrent des possibilités de promotion croisée sur la durée. La pertinence d’une déclinaison web pour certains documentaires uniques doit faire l’objet d’une approche au cas par cas. Par exemple, dans le cas de documentaires d’auteur, parfois très personnels, qui rejoignent un public important et qui ont une valeur culturelle forte, le potentiel de développement web doit être adapté à ce rayonnement et à ce public visé.

La vocation du documentaire sur une deuxième plateforme doit donc faire l’objet d’une vision adaptée à l’œuvre, dans sa forme et son contenu.

Le genre documentaire est à l’avant-garde de la recherche de formes innovatrices sur les nouvelles plateformes: les approches et les transmissions du réel se démultiplient sur la Toile. Le documentaire prouve constamment sa versatilité et sa capacité d’adaptation aux nouveaux médias. L’évolution de cette présence documentaire multiplateforme a besoin du soutien du Fonds des médias du Canada, en matière d’expérimentation et de développement. L’Observatoire du documentaire demande donc que le Fonds des médias du Canada garantisse un accès pour les productions documentaires au volet expérimental.

L’Observatoire du documentaire est heureux de participer à l’élaboration des politiques qui guideront la production documentaire canadienne dans les années à venir. Les défis qui se présentent à cette industrie amèneront des visions riches et multiples, des regards renouvelés et originaux sur la réalité.

Les membres suivants de l’Observatoire du documentaire appuient le présent mémoire. L’Alliance des arts médiatiques indépendants (AAMI); L’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ); L’Association des producteurs francophones du Canada (APFC); L’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS); L’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ); Les Chaînes ASTRAL; Le Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs (CQGCR); Documentaristes du Canada (DOC); Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM); La Société Radio-Canada (SRC), Télé-Québec (TQ); Le Vidéographe.